Ils sont 22 en BTS production animale au Lycée général agricole et forestier Le Nivot à Lopérec, France. 11 jeunes femmes, 11 jeunes hommes, entre 18 et 30 ans. Issus pour la plupart de familles enracinées dans le monde rural et à la tête d’une exploitation, plusieurs sont aussi des citadins. Certains veulent tenter les concours d’assistants vétérinaires et une poignée enfin cherche sa voie et n’a pas décidé de son orientation professionnelle.

Lors d’un cours ce lundi, en cette année du centenaire de l’école, ils ont accueilli Xavier de Bénazé, prêtre jésuite, ingénieur agro, délégué européen de son institut pour la transition écologique. L’occasion de prendre la parole en liberté sur des sujets aussi variés que leurs motivations pour devenir chefs d’exploitations, le bio, les coopératives, la relation producteur-consommateur, l’environnement, les situations difficiles… C’est parti !

« Je suis liée aux animaux. Je peux pleurer quand les vaches ne vont pas bien, témoigne une étudiante, 20 ans. Nous vivons notre passion et nous nous sentons utiles, nous nourrissons les hommes et c’est un métier de valeurs. »

La majorité de ceux qui s’expriment veulent s’installer à la tête d’une exploitation en lait, porcs ou moutons, en bien moindre mesure. D’où vient cette envie de reprendre une ferme et d’entreprendre ?

Avec nous c’est l’histoire de la famille qui continue

« Ce qui nous motive aussi c’est d’assurer la suite de la ferme, assure un autre étudiant. Nous voulons reprendre l’héritage familial et rendre fiers nos parents et parfois même nos grands-parents. Quand on les regarde nous sentons qu’ils en sont fiers ! Ils ne le disent pas mais leurs regards l’exprime, même si certains nous ont dissuadés de faire ce métier qui reste dur. Avec nous c’est leur histoire qui continue !

Quid du mode de production conventionnel et du bio ? « Le bio ? Ce ne sera pas durable, lance un étudiant. Du point de vue social c’est bien, mais il faut mettre le prix et les consommateurs ne suivent pas ». « Faire du bio demande encore plus de travail et de main d’œuvre, renchérit une jeune femme. Et nous n’allons pas pouvoir couvrir toute la planète avec le bio. Cela concerne une toute petite partie des personnes. Il y a un désaccord entre le consommateur qui demande et celui qui n’a pas les moyens d’acheter ».

Consommateurs et producteurs en conflit

« Au sujet de l’élevage et des cultures et du mode d’exploitation conventionnel les agriculteurs ont fait un grand effort au sujet de l’environnement et des risques de pollution » assurent plusieurs. Xavier de Bénazé prend le contrepied et souligne que les statistiques de consommation de produits polluants ne baissent pas. Les étudiants réagissent. « Avant ces produits étaient beaucoup plus concentrés, ils sont à présent dilués ce qui amène à ce que les quantités utilisées restent les mêmes ».

« Faut-il manger moins de viande mais mieux ? » lance le jésuite. « Cela voudrait dire produire moins alors que la moitié de ce que l’on mange vient de l’étranger ? » répond un des jeunes. « Il y a une logique quand on est consommateur : on veut du moins cher de qualité et quand on est producteur c’est un revenu qui permet de vivre correctement qui est attendu. Il y a vouloir et pouvoir. Ce sont deux logiques qui s’opposent ».

A qui faire confiance pour faire bouger les situations difficiles dans le monde agricole ? « Cela ne viendra pas des politiques ni des syndicats agricoles » avancent quelques-uns, d’autres restent songeurs. « Nous ne pouvons rien faire sans la PAC » assure la majorité.

Comment se faire entendre ?

Et puis, d’autres questions viennent comme des coups de poing. « Comment se faire entendre quand ça ne va pas bien ? Pourquoi cela bouge seulement quand il y a des violences lors des manifs d’exploitants ? Faut-il qu’il y ait systématiquement des situations extrêmes pour être écoutés ? »

« Dans le milieu on ne pose pas de questions, raconte un étudiant. Quand ça va mal on se tait parce que cela veut dire qu’on est plus faible. Souvent la règle c’est « tu travailles et puis c’est tout » ! Il ne faut pas faire paraître ses sentiments, c’est mal vu et très vite ce sont les rivalités avec d’autres. Certains vont jusqu’à t’appeler pour acheter tes terres et ton matériel ».

Une fois quitté la classe, en marchant vers la visite de l’élevage des moutons et des porcs, plusieurs jeunes poursuivent : « Faut-il se faire violence pour être considéré quand les situations sont trop difficiles ? Il n’y a que lors d’un suicide que plusieurs se posent des questions ensuite. C’est trop tard et c’est trop dur. »

Des choix pour être en avance

Au final, comment avancer ensemble vers le futur ? « Il nous faudra chercher des compromis » dit l’un, « des progrès sont possible, mais c’est compliqué » dit un autre. Des enseignants présents questionnent aussi : « Comment faire les bons choix, comment être et rester en avance ? ».

École du Nivot

Rencontre avec l’équipe de la vie scolaire

« La confiance et des activités nature c’est essentiel »

« Beaucoup de jeunes reprennent confiance ici, grâce à l’ambiance, aux relations avec les adultes et à l’internat, témoigne Morgane Simon, coordinatrice de la vie scolaire. Cela peut être compliqué pour certains à la maison parfois. Plusieurs vivent aussi des situations de dysphasie, dyslexie ou dyspraxie et ont besoin d’être accompagnés. Etre avec des copains cela fait du bien et ce qui plaît beaucoup, au collège notamment, ce sont les ateliers et activités toutes les après-midis :  faire du vélo, être dehors, soigner les animaux, apprendre à pêcher… Avoir des repères et un cadre c’est important, rassurant et cela aide dans un parcours. »

Pratique

L’établissement accueille 400 jeunes. Il est dirigé par Cédric Troadec. Ils sont 260 jeunes à l’internat dont 50 filles.  

Plus de 20 formations sont proposées : initiales ou par apprentissage et alternance.

L’établissement comprend un collège et un lycée qui prépare au baccalauréat général, technologique et professionnel et des formations d’enseignement supérieur préparant aux BTS, à des Licences et à des formations qualifiantes.

Le Nivot vit son 100ème anniversaire.

A cette occasion, une messe télévisée sera retransmise en direct du Nivot sur France 2 par le Jour du Seigneur le dimanche 9 juin 2024. Rendez-vous sur place dès 10h pour une diffusion en direct à 11h.

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